LE SECTEUR EVENEMENTIEL BELGE IMPLORE LE RESPECT DES REGLES DE PITCH
“Les pitches payants sont une pratique courante depuis deja 10 ans aux pays-bas”
Nous nous sommes entretenus avec Fast Forward (FFWD Events) et Meet-Marcel, les deux gagnants du Golden Award dans la catégorie événements B2B lors de la dernière édition des BEA Awards, à propos de l’évolution de la relation ente les agences événementielles et les commanditaires, l’avenir du secteur et le rôle de l’organisation sectorielle. “Aux Pays-Bas, le fait qu’un annonceur paie pour un pitch est généralisé depuis des années”, confie Hans Perquy de MeetMarcel. “Chez nous, les grands clients paient une rétribution par pitch mais c’est plutôt l’exception que la règle”, confirme Pascal Cauwelier de Fast Forward, également actuel président de l’Expert Center Event Marketing au sein d’ACC Belgium (Association of Communication Companies).

QUELQUES ASTUCES PITCH
- Invitez les agences au moins une fois par semaine au préalable à un briefing.
- Annoncez d’emblée quels sont les compétiteurs (nombre d’agences et identité).
- Un briefing est un document écrit accepté par les deux parties. Il vaut donc mieux le préparer par écrit.
- L’important est que vous donniez le même briefing à toutes les agences.
- La qualité de votre briefing détermine la qualité des présentations que vous recevez.
- Vous vous interrogez sur la confidentialité? Tous les membres ACC ont signé un code déontologique qui les engage à utiliser avec discrétion les informations que vous procurez.
- Les agences événementielles travaillent très concrètement et leur métier évolue constamment. Votre compétition ne réussira que si vous savez avec certitude quel event vous voulez organiser et pouvez briefer concrètement à ce sujet.
- Mentionnez toujours le budget disponible. L’agence événementielle ne peut soumettre les bonnes propositions que si elle connaît le budget de travail. Vous pouvez aussi mentionner les critères de sélection sur base desquels les propositions seront évaluées, tels que la créativité, la logistique, le budget, et octroyer un coefficient de pondération par critère.
- Accordez au moins deux semaines de délai entre le briefing et la présentation.
- Accordez à toutes les agences le même délai de préparation.
- Si des modifications interviennent dans le briefing initial, communiquez-les en même temps à tous les candidats.
- Accordez au moins une heure de présentation par candidat.
- Veillez à une salle de réunion fermée avec écran de projection et beamer.
- Invitez ceux qui étaient impliqués dans l’approbation du briefing à participer au jury qui évalue les présentations. Veillez donc à ce que la personne qui a donné le briefing aux agences soit certainement présente lors des présentations.
- Il est aussi important que le (les) décideur(s) assiste(nt) aux présentations. Ce ne doit pas toujours être nécessairement le CEO.
- Chaque membre du jury complète un formulaire d’évaluation, sur lequel les présentations se voient attribuer une cote sur base des critères de sélection et des coefficients de pondération.
L’EVOLUTION DEPUIS LA CRISE DE 2008
En comparaison de nos pays voisins ou du secteur de la publicité dans notre pays, l’industrie événementielle en Belgique est bel et bien encore un secteur jeune. Après quelques décennies d’optimisme débridé où tout était possible et les agences événementielles étaient surtout perçues comme des ‘organisateurs de fêtes’, est intervenue la crise financière et économique de 2007-2008. Depuis, tout a changé: finies les dépenses injustifiées, des clients plus responsables, des délais plus courts et plus d’exigences. Des exigences en termes de contenu d‘un événement, “les visiteurs doivent apprendre quelque chose”, mais tout autant en termes d’’expérience’. La conséquence est qu’une agence événementielle fait bien plus que seulement ’organiser’ aujourd’hui, une bonne agence événementielle se charge de la préparation, de la gestion et du suivi du mix marketing et communication complet de son client, de préférence depuis quelques années afin de se familiariser avec l’entreprise, ses salariés, son métier de base, ses valeurs clé et même ses clients. “Notre secteur est resté bien épargné des conséquences les plus lourdes de la crise”, confie Hans Perquy. “Les ‘cowboys’ l’ont toutefois payé cher. Le budget du client, par contre, n’a pas baissé, seulement sa gestion fut soudain plus rationnelle. Finies les fêtes sans quelque chose de plus!” Il fallait offrir une expérience, mais aussi plus de contenu, il faudrait tenir compte de l’environnement et les entreprises sont obnubilées par leur image, donc une solide dose de CSR (Corporate Social Responsibility) a été soudain reprise dans les programmes. “Ceci a fait qu’une agence événementielle devait aussi évoluer. Aujourd’hui nous ne sommes pas seulement un organisateur, nous sommes des concepteurs, des planificateurs et des exécutants de concepts. Nous faisons partie du mix événements et communication marketing d’une entreprise. Et la crise a du reste eu une conséquence positive. Car le client a soudain réalisé que le contact personnel (avec les consommateurs, partenaires, autorités, clients …) est important pour grandir, voire survivre.”
“Les regles de pitch que nous proposons doivent etre respectees. Cela reussit dans le monde de la publicite, pourquoi pas chez nous?”
PROFESSIONNALISATION

Depuis, le marché événementiel s’est constamment professionnalisé et s’est mis à combler son retard sur nos pays voisins. Hans: “L’ancienne ACEA, notre propre organisation sectorielle, était trop un salon de discussion. Elle prenait peu de décisions, voire aucune. De nombreuses grandes agences ont tourné le dos à l‘association et celle-ci a été dissoute. Entre-temps, nous sommes depuis quelques années membre de l’ACC et y avons notre expert center.” Pascal, également président de cet event expert center au sein de l’ACC, confirme: “Le pas vers l’ACC fut très positif. Aujourd’hui une quarantaine d’agences événementielles, qui détiennent 70 à 80% du marché, sont membres. Il s’agit maintenant de convaincre nos clients, les annonceurs, de l’utilité et de l’équité de suivre quelques règles de base dans le lancement d’un pitch.”
Un thème ancien mais brûlant et actuel
Le thème de la relation entre bureau et client final de ces 20 dernières années: le pitch! Le secteur tente depuis plus longtemps d’imposer des règles de pitch, à tout le moins de convaincre les annonceurs de les respecter. Mais à ce jour, ce n’est pas encore le cas en Belgique. “La demande du client reste particulièrement sans engagement”, raconte Hans. “Il est fréquent qu’un client reçoive 10 propositions finalisées après un tour de table et ainsi une quantité particulièrement élevée d’idées et d’angles d’attaque gratuits et variés. Je le comprends quelque part mais on en abuse régulièrement. Nous y consacrons particulièrement beaucoup de temps et d’argent, tout comme nos fournisseurs (restaurateurs, entreprises AV lieux, artistes …) et même leurs fournisseurs, et une rétribution en est rarement ou jamais la contrepartie.
Sur base annuelle, la participation à des pitches dans le secteur réclame en moyenne 25% du temps des bureaux. Aux Pays-Bas, les pitches sont rétribués depuis des années. Là, seuls 3 ou 4 bureaux sont contactés dans cette phase, c’est aussi logique. En Belgique, les entreprises qui paient un pitch se comptent sur une main. Je crains qu’il faudra encore plusieurs années avant une acceptation générale.” Pascal: “Les règles de pitch que nous présentons doivent être respectées. Cela réussit bien dans le monde de la publicité, pourquoi pas chez nous? Des adaptations sont faites à tort et à travers durant le processus, soudain tout l’événement est annulé. Ou un client ne se manifeste plus et a soudain plus qu’assez d’idées pour, et oui, organiser l’événement lui-même. Notre situation est pourtant identique à celle des agences de publicité? Nous plaidons pour maximum 3 agences dans un pitch, à l’exclusion de l’agence sortante. Le secteur de la publicité a déjà mis en place cette professionnalisation bien plus tôt. Et le respect des règles dans ce secteur peut aussi s’expliquer par la durée bien plus longue des contrats. Parfois le client n’est tout simplement pas au courant de ces règles.” Tant que les agences événementielles continuent toutefois de participer aux pitches qui ne suivent pas les règles, peut-on le reprocher au client? “C’est vrai”, confirme Hans. “Le bât blesse des deux côtés. Nous devons tout faire aussi pour convaincre ces collègues de notre vision. Certains ne peuvent toutefois pas faire autrement et participent à chaque pitch parce qu’ils doivent survivre.” C’est pourquoi les agences événementielles affiliées à l’ACC se sont engagées depuis le 2 mai 2018 à ne plus participer aux compétitions de commanditaires qui ne respectent pas les recommandations de la charte de compétition de l’UBA (Union Belge des Annonceurs) et de l’ACC, et qui opposent plus de quatre agences pour élaborer des recommandations stratégiques ou conceptuelles gratuites.
Situation à perte
Un exemple, via Emmanuel Andries de D-Side Group: “Elaborer une proposition pour un pitch avec un budget entre 75.000 en 100.000 euros coûte à une agence en moyenne 3.000 à 5.000 euros, ce montant augmente encore quand des concepts stratégiques doivent être imaginés. Si vous demandez à six agences d’élaborer une proposition, ceci coûte en moyenne 24.000 euros à l’industrie. Ce coût excède dans bien des cas les revenus que l’agence victorieuse peut engranger (en moyenne 15 à 20%). La conséquence est que le secteur en général subit des pertes par cette méthode de travail.”
Spoiler award
Afin de sensibiliser le client, un Spoiler Award a été décerné aux derniers BEA Awards. Sans grande publicité lors de la soirée, pour ne pas trop heurter les sensibilités, mais l’objectif était clair avec la nécessaire communication externe. Ce trophée symbolique en forme de tomate pourrie sur un socle fait référence à juste titre aux commanditaires qui ne respectent pas les directives de la charte en vue d’une compétition saine et qui mettent inutilement la pression sur les talents créatifs du secteur événementiel. Mais certains clients ne peuvent pas faire autrement que de mettre 10 agences dans un pitch parce qu’ils sont eux-mêmes sous pression ou sont obligés par leur propre département des achats. C’est un thème très sensible et c’est précisément pour cela que Hans craint que cela dure encore plusieurs années avant de suivre les règles. Mais pourtant, les talents créatifs des agences événementielles sont souvent pressés comme un citron à cause des délais étriqués des pitches, des budgets limités et de la grande compétition. Ceci est une situation intenable qui n’a guère de place pour des relations à long terme avec les commanditaires. Il faut donc que quelque chose se produise. Le Spoiler Award était plutôt un acte symbolique, et aucune entreprise ne l’a effectivement reçu mais le ton est bel et bien donné.
ACC BELGIUM
ACC est l’association professionnelle des agences de communication belges. Elle coordonne les agences intégrées, de publicité, numériques, PR, content et event marketing. Elle compte 120 membres dont 36 agences event marketing. Plus d’infos: www.ACCbelgium.be.